A LA FONDATION VUITTON du 03 octobre 2018 au 15 janvier 2019 et forte de son succès (public et critique) prolongée jusqu'au 21 janvier.
Plus de 120 œuvres exposées sur 3 niveaux !
(Mon deuxième coup de cœur de l’année 2018)
Vendredi 13 octobre, c’est l’automne mais on profite encore de la chaleur d’été et un beau soleil à Paris. De retour de Dakar, je suis partie voir l’expo événement de Basquiat à la Fondation Louis Vuitton.
Arrivée sans ticket, j’étais loin de me douter de l’engouement : ce jour-là, beaucoup d’amateurs d'art s’étaient aussi donnés rendez-vous avec ce grand artiste !
Vu la file, une hôtesse m’a demandé si j’ai réservé par internet ou déjà acheté mon billet. Je lui réponds non : elle m’a conseillé de revenir demain car le temps d’attente était estimé à 1h30 mais j’étais bien décidée à faire la queue !
Par chance, je vois un jeune homme s’approcher. Il propose un billet acheté sur le net pour son grand père qui n’a pu venir pour cause de grande fatigue. Il discute avec une dame qui négocie le prix. La négociation n’ayant pas abouti, j’ai sauté sur l’occasion!
La morale de l’histoire : réservez sur le net !
Ceci dit, l’expo commence par Egon Schiele un artiste peintre un dessinateur autrichien, né le 12 juin 1890, à Tulln an der Donau près de Vienne et mort le 31 octobre 1918. Les commissaires de l’exposition ont voulu lui rendre un hommage à l’occasion du centenaire de la mort de l’artiste.
Tout l’oppose à priori à Basquiat vu le contexte historique et artistique mais les deux artistes ont un certain nombre de points communs qui les rapprochent : tous les deux sont morts prématurément (27 ans pour Basquiat et 28 pour Egon Schiele), ont eu une carrière fulgurante, controversée et productive. Ce sont aussi deux écorchés vifs en rupture avec les codes de leur société et hantés par les corps tourmentés.
Sont présentés des tableaux et surtout des dessins de l’artiste que j’ai regardé avec intérêt : une occasion pour moi de découvrir cet artiste que je ne connaissais pas !
Puis débute Basquiat : quel plaisir !
L’expo sur 3 étages présente dans un parcours chronologique et thématique plus de 135 pièces de l’artiste dont quelques-unes sont rarement montrées, voire inédites.
Au fil de mon avancée dans cet grand espace vers toutes ces œuvres, je découvre l'univers de ce grand artiste, je comprends et saisis de plus en plus sa personnalité ; son imaginaire, son engagement mais aussi son mal être, une mélancolie qui l’habite, sans doute propre aux grands artistes.
Je découvre un Basquiat débutant pour ces œuvres réalisées aux débuts des années 80 : ces fameux crânes (the heads) dont l’un s’est vendu en 2017 à 110.487.500 de dollars réunis pour la première fois dans une expo.
Elles montrent le mal être de ce jeune homme et son grand intérêt pour l’anatomie humaine.
Cet intérêt pour l’anatomie est aussi une source, d'inspiration par ses squelettes, crânes, etc.
Son enfance :
Jean-Michel Basquiat est né le 22 décembre en 1960 dans le quartier de Brooklyn à New York d’un père haïtien et d’une mère portoricaine. Bilingue, il découvre l’art jeune en fréquentant avec sa mère les musées de la ville. Sensibilisé à l’art par sa mère, ses parents maternels, eux, lui font découvrir la musique.
A 7 ans, Basquiat se fait renverser par une voiture dans la rue alors qu’il jouait avec des amis. Ses graves blessures entraînant l’ablation de sa rate l’obligent à rester plusieurs mois à l’hôpital. Pour passer le temps dans sa chambre d’hôpital, sa mère lui offre alors un manuel d’anatomie Gray’s Anatomy (1878). A priori rebutant, ce livre le subjugua.
Cet événement majeur a créé un grand traumatisme dans sa vie mais sera aussi un catalyseur de ses créations. Nombreuses de ses œuvres représentent l’anatomie humaine et il aura un grand intérêt pour les études anatomiques de Léonard de Vinci.
Son univers :
Son univers est un mélange de l’univers sacré du monde du vaudou, de la Bible et, en même temps, des bandes dessinées, de la pub et des médias sans compter les héros de la musique.
Dans ses œuvres il met souvent la figure noire au centre de ses œuvres. Parmi ses héros ; il y a les boxeurs : « the boxer » représente Cassius Clay (futur Mouhamed Ali), mais aussi des musiciens comme le jazzman Charlie Parker.
Ses œuvres sont des cris de cœur contre le racisme : il met en lumière la culture noire. Il représentait par-dessus tout une contre culture urbaine et anarchique baptisé "underground".
Un Artiste engagé dans la cause des noirs
Nul doute que son engagement pour la cause noire et l’influence de cette culture africaine a eu un grand rôle dans son processus créatif.
Fan de musique
Initié jeune à la musique noire par ses grands-parents maternels, on retrouve cette influence dans ses œuvres comme la chanteuse de blues et jazz Billie Holiday dont il était fan.
Il aimait peindre en écoutant de la musique, surtout du hip pop. Il a aussi produit et dessiné la pochette d’un album (Beat Bop, 1983 pochettes de disque, produit et dirigé par Basquiat à New York, collection de Larry Warsh)
Jeune noir de New York
Né dans les années 60 à New York il a beaucoup souffert des dérives policières sur la population noire. Il a grandi à Brooklyn, et il arpentait les rues de New York pour faire des tags avec sa bande d’amis de l’époque tel le grapheur Al Diaz.
L’exposition a accroché deux tableaux côte à côte traitant de la violence raciste et des dérives policières sous les traits d’un policier blanc et d’une policière noire qui exécute un ordre raciste : une manière de se moquer de l’hypocrisie de la société américaine !
Un Artiste aux racines africaines assumées
Basquiat s’est beaucoup intéressé à la culture noire grâce à des récits et livres qu’il lisait. Il aimait parler de sa négritude renvoyant au mouvement des années 60 créé par Aimée Césaire et Senghor, jeunes étudiants noirs à Paris affirmant leur appartenance à la culture noire.
Les influences africaines dans ses œuvres
Son univers est marqué par la culture africaine. Il aimait représenter le personnage du griot : c’était pour lui un messager, un transmetteur de la culture qui tenait une place importante dans la société : on le voit dans son œuvre « the griot ».
Dans cette œuvre de 1984, il dessine le nsibidi, un système de symboles développé par les populations au sud-est du Nigeria.
Il fait également référence au dieu Ogun en Haïti, le dieu du fer et des forgerons à travers son personnage couronné par des clous. “La forme de sa tête, la couleur qu’il utilise et le découpage du personnage couronné” renvoient à la statuaire africaine, décrit un spécialiste.
L’ouvrage “Flash of the Spirit : African and Afro-American art and philosophy” de Robert Farris Thompson renforce également son intérêt pour la culture du continent. “Le livre s'intéresse à cinq populations africaines - Yoruba, Kongo, Ejagham, Mande et Cross River - qui ont développé des symboles que l’on va retrouver via la diaspora africaine dans les Caraïbes et aux Etats-Unis”, décrit Dagara Dakin de la Fondation Vuitton.
“Ici, Jean-Michel Basquiat en fait un personnage iconique. Dans ce bas relief, il y a des lattes de bois, repeintes en doré. En Occident, dans les figures religieuses, on va utiliser l’or pour parler de cette dimension sacrée des figures qui sont représentées. Il fait du griot un personnage sacré.” Dagara Dakin, spécialiste de l'art africain à la Fondation Louis Vuitton.
© C. Bour / TV5 MONDE
Basquiat en Côte d’ivoire : exposition au centre culturel Français à Abidjan
Peu de gens le savent mais Basquiat est venu en Côte d’Ivoire un an avant sa mort. Du 10 octobre au 7 novembre 1986, Basquiat expose au centre culturel français d’Abidjan.
Une trentaine de toiles de la collection personnelle de l’artiste (dont la célèbre « Charles The First », 198X158/acrylique et craie sur toile, 1982) sont présentées dans le hall du CCF d’Abidjan, établissement très fréquenté à cette époque par les artistes ivoiriens et africains.
L’artiste américain ne reçoit pas l’accueil qu’il attendait : “ Les Ivoiriens n’ont pas répondu à l’appel comme ils auraient dû le faire, c’était un rendez-vous manqué", raconte la photographe ivoirienne Joana Choumali.
Mais, après quelques jours passés dans la capitale, il se dirigera à Korhogo où il découvrira les traditions ivoiriennes qui l'inspireront pour ses dernières œuvres.
En 1988, Basquiat exposera chez Yvon Lambert à Paris. Là, il fera la connaissance du peintre ivoirien Ouattara Watts. Une amitié brève et intense se crée.
On découvrira sur Basquiat, le lendemain de sa mort, un billet aller-retour pour la Côte d’Ivoire prévu pour le 12 aout… un rendez-vous manqué.
Basquiat défendait beaucoup à cette période son influence africaine et ses racines. On le voit souvent dans ses œuvres : ses représentations avec des masques caractéristiques.
Basquiat et Warhol
L’une des rencontres majeures de sa vie est celle qui le verra côtoyer Andy Warhol. Encore peu connu, il vendra à Warhol une petite carte postale dans un restaurant.
Plus tard, après son succès, il rencontre de nouveau Warhol. Une grande amitié et une collaboration intense débute en 1983.
Les deux artistes collaboreront pendant 2 ans. Jean-Michel Basquiat accentue les interventions picturales de Warhol en y intégrant ses propres éléments.
Les deux hommes s’associent avec le peintre italien Francesco Clémente pour produire une quinzaine d’œuvres.
Cette collaboration avec Warhol a suscité de vives critiques sur les œuvres créées par les deux artistes. Elles touchent profondément Basquiat et créent des tensions entre eux. Peu de temps après, Basquiat et Warhol se séparent.
A la mort de Warhol en 1987, l’artiste profondément touché, était inconsolable.
Au-delà de sa tristesse à la disparition de son idole, c’est la drogue le plus grand mal de sa vie et la cause de sa mort. Il est victime d’une overdose en 1988 à l’âge de 28 ans.
Ce qui m’a plu
Plus de 130 œuvres inédites dont quelqu’une rarement montrées réunies dans un seul endroit: une extraordinaire opportunité de découvrir Basquiat sous toutes ces facettes, de mieux cerner ses engagements, sa vie, pour appréhender ses superbes œuvres !
J’ai aussi aimé les guides décrivant les tableaux de Basquiat : un vrai plus pour mieux comprendre ses tableaux ; leur historique en rattachant l’œuvre au moment de la vie de l’artiste.
Si l’immense artiste est classé dans l’art contemporain « Streets art », il est allé bien au-delà.
Sa boulimie artistique l’a fait peindre partout : frigo, morceau de bois ramassés, carreaux, portes, etc)
Les anecdotes sont nombreuses et incroyables : sa femme de l’époque Suzanne Mallouk raconte que ces morceaux de bois, Jean-Michel Basquiat les a utilisés par manque d’argent en allant les ramasser dans les rues de New York car il n’avait pas d’argent pour acheter des toiles et du matériel pour peindre avant son succès !
On raconte aussi qu’il s’est fait expulser et s’est fâché avec des amies l’hébergeant : ils avaient découvert leurs appartements totalement transformés (les murs, les frigos, … tout avait été entièrement peint !).
Basquiat, artiste peintre de son siècle, a beaucoup souffert dans sa vie du racisme et de remarques désobligeantes, de clichés de certaines personnes, de médias et du monde de l’art.
Et voilà Basquiat célébré dans cette exposition unique. En seulement 8 ans d’une carrière fulgurante, il est tiré du ghetto et du mouvement Pop art ou Street art pour être reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands artistes de l’histoire de l’art du XX siècle !
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